Bonjour, Je m'appelle Lucia Dauphin et je suis une jeune adulte autiste de 27 ans. C'est avec plaisir que je vous présente mon propre blog décrivant mon quotidien de personne asperger à chaque semaine afin de partager les facettes de l'autisme avec d'autres personnes que mon entourage.
9 Avril 2019
"Dire ma façon de penser"
Est-ce que je veux dire mon opinion sur quelque chose ou expliquer le fonctionnement de ma pensée?
Ceci est une expression à double sens, c’est-à-dire qu’elle peut pouvoir signifier deux choses. C’est le genre de questions qu’une personne autiste pourrait avoir de la difficulté à répondre.
Mais pourquoi? Nous avons pourtant le même cerveau. Pour le mois d’avril, je me concentre sur certains sujets qui intriguent à propos de l’autisme et qui doivent être démystifiées.
Comment les autistes pensent?
Je vais aborder le sujet en vous expliquant comment je traite les différentes informations au niveau de la communication, de la lecture et de certaines situations quotidiennes.
Il est difficile de répondre à cette question d’un point de vue général, il faudrait faire une étude clinique vaste et très couteuse. Je vous offre donc humblement ma petite contribution, en toute simplicité.
Il est important de noter que les autistes pensent toutes de manières différentes, le texte qui suit se veut un petit clin d’œil bien personnel.
Premièrement, j’ai de la difficulté à comprendre l’abstraction. Soit à la lecture d’un texte ou en communicant.
Quand j’étais à l’école primaire, j’avais souvent de mauvaises notes en compréhension littéraire parce que je ne comprenais pas la majorité du texte . Ce n’était pas facile pour moi de répondre aux questions d'évaluation. Il fallait non seulement que je me relise pour chercher mes réponses mais aussi, il fallait que je fasse des liens pour pouvoir les trouver.
Au fil des années, je me suis améliorée en lisant plus de livres et en discutant de mes lectures avec mes parents. Lors de mon séjour à l’école des adultes, j’avais de meilleures notes mais je ressentais encore de la difficulté, surtout dans les textes narratifs.
J’ai plus de facilité à comprendre les textes informatifs parce qu’on nous pose des questions sur des données spécifiques (ce que je maitrise bien) et non sur des situations où il faut faire justement des liens et comprendre parfaitement ce qui se passe.
Par exemple, dans un texte narratif racontant une relation de travail conflictuelle, les questions d'évaluations sont majoritairement centrées sur comment l'auteur décrit le conflit. Avec quelles expressions? Que veut dire l'expression soulignée dans la phrase? Relever les expressions qui décrivent une atmosphère déplaisante?
Je comprenais le sens des questions mais j'étais incapable de les retrouver dans le texte. Les questions étaient trop vagues, ce qui me mettait "dans une atmosphère déplaisante" justement.
Dans le passé, j’avais de la difficulté à visionner des séries télévisées parce que je ne comprenais même pas la moitié des intrigues en plus de devoir décortiquer une impressionnante liste d’expression faciales!
À force de me pratiquer, cette difficulté est devenue une grande passion! C’est en discutant avec ma famille des différentes situations télévisés que j’ai appris à mieux comprendre les émotions intenses que vivaient Émilie Bordeleau, (Les filles de Caleb 1990-1991) les vacheries de Claude (La galère 2007-2013) ou les répliques du Curé Labelle (Les pays d'en haut 2016-).
En résumé, je comprends le plus souvent au sens propre parce qu’au sens figuré, il peut y avoir un double sens. Ce double sens pose un problème parce que je n’arrive pas à comprendre le réel sens de l’expression.
Des exemples :
- « Crache le cash » (Comment? Cracher de l’argent par la bouche?)
- « Merde » dans le sens de « bonne chance » (Ce n’est pas mon expression préféré)
- « Il est tombé sur la tête! » dans le sens de « il a perdu la raison » (Maintenant je comprends que la personne ne s’est pas blessée réellement à la tête)
- « Il a perdu la raison » (Comment peut-on égarer ça? La raison n’est pas comme une mitaine laissée dans l’autobus)
- « Mange ta main, garde l’autre pour demain » (Je trouve particulier le thème du cannibalisme dans un contexte de chanson enfantine à la garderie)
- « Donner sa langue au chat » (Quel est l’utilité d’un tel acte?)
- « Tomber dans les pommes » (Aujourd’hui encore, je reste attaché à cette image poétique d’une personne tombant dans un verger)
- « On n’est pas sorti du bois » (Évidemment, ma maison est dans le bois)
- Etc,etc…
Quand il y a des expressions au sens figuré, je prends beaucoup de choses au pied de la lettre, ce qui rend parfois ardu mes lectures et mes écoutes de série télévisées. Afin d’alléger, j’omets parfois la compréhension de certaines expressions que je vais vérifier plus tard avec mes proches ou sur Internet.
Même si je comprends maintenant la plupart des expressions courantes, je reste toujours concentrée afin de mieux saisir les propos surtout lorsque je suis en interaction avec les gens.
Voilà pourquoi il est difficile pour moi de comprendre des monologues humoristiques.
Pour moi, c’est comme un long monologue incompréhensible agrémenté par les rires de la foule. Un rire de foule que je ne comprends pas. Ma sœur m’a toutefois rassuré qu’il était possible dans certains cas, que le spectacle d’humour ne soit effectivement pas drôle, ce qui m’a beaucoup rassuré!
La semaine prochaine, je poursuis le thème de la pensée avec les liens d’associations.
Bonne semaine!