Bonjour, Je m'appelle Lucia Dauphin et je suis une jeune adulte autiste de 27 ans. C'est avec plaisir que je vous présente mon propre blog décrivant mon quotidien de personne asperger à chaque semaine afin de partager les facettes de l'autisme avec d'autres personnes que mon entourage.
22 Mars 2019
Comme vous le savez, je suis allée donner une conférence sur l'accueil des personnes autistes dans les différents services publics lors d'une formation auprès des organismes de loisirs de la ville de Joliette dont l'Association des loisirs des personnes handicapées de Lanaudière (ARLPHL) jeudi dernier à la salle l'Arsenal à Joliette. Voici mon texte comme il a été dit.
Bonjour,
Je m’appelle Lucia Dauphin et je suis une jeune femme autiste de 23 ans. Je suis de passage parmi vous aujourd’hui afin de vous expliquer mes hauts et mes bas de l’accueil des personnes autistes dans les différents services publics. J’ai parfois du mal à interagir lors de certaines communications soit quand je téléphone au gouvernement ou quand je suis dans de différentes entreprises, ce qui fait partie de ma réalité ainsi pour un grand nombre d’autistes, même si la communication est relativement facile pour moi. Je ne suis cependant pas la seule à qui cela arrive.
Nous vivons dans un monde ou l’on est confronté à toutes sortes de situations pouvant être déplaisantes qui font partie du quotidien mais que nous n’avons pas le choix de surmonter comme divers imprévus. Parler au téléphone à des services publics comme la réception d’un hôtel ou la banque fait partie de notre réalité et être en contact avec des inconnus qui ne savent pas toujours ce qu’est l’autisme est également un facteur que nous n’avons pas le choix de faire face comme tout le monde. Comme le service à la clientèle n’a pas toujours les ressources pour discuter avec une personne neuro atypique, cela peut parfois mal tourner et les gens ont du mal à se comprendre. Il faut qu’au contraire que les personnes neurotypiques et les neuro atypiques soient capable de communiquer entre eux et encourager ces dernières à se débrouiller dans ce genre de services, ce que l’on mise le plus possible. Comme vous êtes ici pour apprendre comment interagir avec les autistes et bien les accueillir, il me fait plaisir de vous partager mes principaux points bons et mauvais dans les services publics.
Comme premier côté positif dans les services à la clientèle est l’ambiance chaleureuse de l’entreprise et du réceptionniste. Quand on se fait accueillir dans un lieu public, le fait de se faire dire Bonjour avec un gentil sourire me fait sentir bien. Quand je vais à la crèmerie parfois le jeudi soir, cela me fait un petit velours quand la crèmière me salue gentiment et me vouvoie de manière conviviale. Cela me donne toujours envie d’y retourner et je me sens toujours bien pour être en contact avec mon environnement.
En deuxième lieu, la politesse est pour moi un facteur inconditionnel dans un service d’accueil. J’aime quand les gens ont une belle élocution envers leurs clients et qu’ils les regardent dans les yeux quand cela est possible. Quand un réceptionniste ne me salue pas ou me parle de manière familière même si c’est un parfait inconnu, cela me scandalise.
Il ne faut pas critiquer trop sévèrement ce genre de personnes et au contraire dire qu’il n’est pas trop tard pour eux de s’améliorer. Mais la politesse et la courtoisie sont les meilleures qualités pour un réceptionniste ou un téléphoniste de n’importe quelle entreprise.
Premièrement, ce que je n’aime pas au niveau du service à la clientèle sont les personnes qui parlent sèchement ou bêtes aux clients. Quand quelqu’un n’est pas doux avec moi, je me sens mal et c’est à ce moment là que j’ai du mal à interagir pour la suite des procédures comme paniquer et bégayer. Il arrive que mes parents parlent à ma place mais je voudrais effectuer la communication par moi-même. Par exemple, en décembre dernier, je voulais téléphoner au gouvernement pour que l’on puisse faire mes impôts. L’émettrice qui m’a reçue au téléphone avait un ton de voix ferme et impatient donc j’étais mal à l’aise de lui parler et j’écoutais partiellement ce qu’elle me disait. J’ai donc passé le téléphone à mon père pour qu’il puisse comprendre la situation qui disait que j’avais fait une mauvaise procédure pour mes impôts.
Quand mon père a raccroché, il m’a expliqué la situation que j’avais compris en général mais c’était le stress de savoir le ton de voix de la dame qui m’a un peu angoissée. Je sais que dans ce genre de services, les employés travaillent sous pression donc ils ont l’air très concentrés dans leur travail mais il faut comprendre que ce n’est pas tout le monde qui prend compte des faiblesses d’une personne autiste surtout dans ce genre de conditions. C’est alors qu’il faut que je fasse des efforts pour bien entrer en contact avec l’émetteur et bien m’exprimer pour que celui-ci me comprenne.
C’est l’action qu’il faut faire parce que si mes parents n’étaient pas là ou quand mes parents ne seraient pas là, c’est moi qui dois prendre les responsabilités et être capable de régler les choses avec les autorités par exemple. Téléphoner au gouvernement est une chose que je déteste faire mais je prends mon courage à deux mains et même si ce n’est pas facile, je réussis à trouver mes mots et d’expliquer à l’émetteur le but de mon appel. Pour accueillir les gens autistes et non-autistes à n’importe quel service public, prioriser la douceur autant au niveau du ton de voix qu’au niveau de l’utilisation des mots.
Le deuxième facteur que je n’aime pas au niveau de la communication est quand l’émetteur parle trop vite. Je sais que c’est le cas pour la majorité des gens mais dans le cas d’une personne autiste, c’est pire parce qu’en plus de comprendre le sens de la phrase, elle doit comprendre vraiment ce que l’émetteur dit. Cela n’est pas le cas de tous les autistes par exemple. Quand l’émetteur parle trop vite, j’essaie d’abord de lui demander de répéter ce qu’il vient de dire mais si sa voix rapide est son ton de voix régulier, je dois faire des efforts pour bien comprendre, ce qui ne s’est pas souvent arrivé.
Si jamais cela se produit, je demande au téléphoniste de bien répéter autant de fois qu’il faut afin que l’on puisse bien traiter l’information, c’est cette méthode qui me rend confortable dans ce genre de cas. Pour cela, il faut beaucoup de patience. Si l’émetteur est de nature impatiente, la situation est bien plus compliquée. Pour que cela soit une situation simple, il faudrait que l’émetteur apprenne à parler à un débit régulier pour se faire comprendre de tout le monde, les autistes compris.
En troisième lieu, certains réceptionnistes arrivent de manquer de précision dans leurs dialogues ou questions posées au client. La personne autiste risque de ne pas comprendre la question et ne saura pas quoi répondre. Quand j’avais quinze ans, j’ai été à ma première dose de vaccination contre le cancer du papillome humain. Au début de la consultation, l’infirmière m’a demandé si c’était le premier vaccin que je recevais, moi ne sachant pas si c’était mon premier vaccin à vie ou le premier vaccin contre le cancer du col de l’utérus que l’infirmière voulait parler. Je ne savais pas quoi répondre et ma mère a dit que c’était ma première dose d’injection pour ce vaccin que j’allai recevoir. Je sais que ce n’était pas un réceptionniste qui m’a posé la question mais c’est le genre de situation qui pourrait se produire notamment à l’accueil d’un service public. Comme certains autistes ont de la difficulté à faire des liens, il faudrait que les gens aux services d’accueil soient le plus précis possible envers leurs clients pour que ceux-ci comprennent le plus possible et diminuer les stress chez les neuro-atypiques parce que c’est une expérience stressante pour certains d’entre eux et il faut qu’au contraire qu’elle soit agréable à vivre. Les émetteurs aussi doivent faire preuve de patience dans cette étape pour pouvoir bien décrire les informations et les répéter autant de fois qu’il faut au client autiste.
Pour ce qui est du niveau de la salle d’attente des lieux publics, je n’ai pas tant de négations à dire sur ce sujet car à toutes les fois où j’ai eu à être dans cette pièce, la musique ne m’avait pas nui et je me sentais en sécurité quand j’y étais seule. Cependant, il faudrait qu’il ait toujours de la musique douce ou de la musique au volume bas pour que les personnes autistes ne soient pas affectées par le bruit et qu’ils n’aient plus le goût de revenir dans des endroits publics où ils doivent y aller par eux-mêmes un jour.
Les autres aspects d’une salle d’attente qui pourrait affecter les personnes autistes seraient les places dispersées et la forte lumière. Le fait de disposer des places au parent et son enfant dans la salle pourrait rassurer le client, surtout un enfant qui n’a pas l’habitude de fréquenter cette pièce. Si par exemple un tout-petit va chez le dentiste avec sa maman et que la salle d’attente est pleine, il se pourrait qu’il reste deux chaises qui ne sont pas situées dans le même coin. En plus d’être dans un endroit grand, avec beaucoup de gens inconnus, il devra être dans son coin sans être près de sa mère, même s’ils sont dans la même pièce.
Donc si cela est peut-être possible, si c’est une clinique avec rendez-vous, le réceptionniste pourrait placer l’enfant et son parent côte à côte ou face à face pour s’assurer qu’ils soient tous les deux ensemble. Cela ne s’appliquerait pas nécessairement à tout le monde mais ce serait l’idéal pour une personne ayant quelque chose de spécial soit une personne autiste, déficiente, aveugle ou même les neurotypiques intolérants. Ce genre de situations est peut-être rare mais si cela vient à arriver, ce serait une bonne suggestion à prendre en considération.
La forte lumière pourrait être aussi un aspect dérangeant parce que l’effet de la lumière est une trop grande source de stimuli pour les yeux de l’autiste, si ce dernier a une sensibilité particulière ou s’il n’est pas toujours en contact avec son environnement. Si la salle n’est pas naturellement éclairée, ne pas mettre trop fort la lumière dans la salle pour ne pas affecter non seulement les autistes mais aussi tous ceux qui ont une sensibilité à la lumière artificielle.
Tout cela pour dire que même si certains neurotypiques et neuro atypiques peuvent avoir les mêmes difficultés soit au niveau de la communication ou au niveau de la sensibilité, il faudrait adapter les différents services pour les rendre accessibles aux personnes autistes afin de favoriser leur autonomie.
Tant qu’à moi, je fais du bénévolat dans une bibliothèque depuis plus de deux ans. En plus de classer les livres et d’inspecter les rayons pour que les livres soient placés en ordre, je travaille au comptoir pour effectuer des prêts et des retours de livres. Il m’est déjà arrivé de travailler avec des clients qui étaient soit bêtes ou qui parlaient vite. Comme moi je suis sensible aux gens qui parlent fort et sec, il m’arrive d’être figé sur moi-même et de ne plus savoir quoi faire par la suite. En Janvier dernier, j’étais de retour à la bibliothèque après mes deux semaines de vacances des fêtes. Il y a eu une cliente pas très sympathique qui voulait renouveler deux livres qu’elle avait emprunté qui étaient restés chez elle. Je lui ai demandé les titres des deux livres oubliés. Elle m’a répondue de manière impatiente qu’elle ne s’en souvenait plus. Comme les titres des prêts mensuels sont inscrits à l’écran de l’ordinateur, je lui ai demandé les titres inscrits pour valider. La cliente me répondait toujours de manière impatiente qu’elle ne le savait pas. C’est alors qu’elle a sorti un reçu de prêt de sa poche et elle m’a dit que les deux titres des livres demandés étaient ceux que je pensais. Durant ce temps, je n’ai pas paniqué et j’ai agi de manière très polie avec la cliente et j’ai renouvelé les prêts sans problème. Cependant, j’ai été fatiguée après cet épisode en raison du léger malaise que j’ai eu en raison de la réaction de la cliente.
Ce genre de situations parait anodin pour plusieurs mais dans mon cas, c’est plus complexe parce que je dois gérer mes émotions en plus d’être concentré dans mon travail. Si cette situation m’était arrivée il y a quelques années, j’aurai surement pleuré mais grâce à de la pratique, j’ai appris à maîtriser certaines réactions.
La bibliothèque est un passe-temps que j’aime beaucoup parce qu’en plus de socialiser avec les autres collègues, je pratique également mon contact avec les clients qui viennent emprunter et retourner des livres. Comme j’ai une excellente mémoire, je n’ai pas de difficulté à classer les documents et à retenir certains titres pour pouvoir faire des suggestions littéraires aux clients.
Depuis Janvier dernier, je rédige un blog sur ma perception de l’autisme ainsi que mon parcours de vie jusqu’à maintenant et les épreuves que j’ai surmontées durant ma jeunesse. Je parle également de mon quotidien semaine après semaine afin que les gens puissent réellement comprendre ce que vit une personne autiste.
C’est une belle expérience jusqu’à maintenant et elle me permet de connaître vraiment la réalité des personnes neuro atypiques et mes réflexions sur le sujet. Pour ceux qui y sont intéressés, il est disponible sur ma page Facebook au nom de Lucia Dauphin.
Finalement, je m’implique activement au sein de la Société de l’autisme région Lanaudière soit lors de différents témoignages comme lors d’une conférence de presse au printemps 2013 avec la ministre Véronique Hivon, lors des différentes marches de sensibilisation à l’autisme ou dernièrement, lors d’une capsule radio sur la vie de couple pour le M 103.5 FM avec mon copain également autiste. J’ai beaucoup de plaisir à participer à ces événements parce que j’aime beaucoup promouvoir l’autisme au grand public et partager certaines de mes réalités. Mes relations avec les intervenantes de l’association m’apportent du bonheur et du soutien et sont toujours prêtes à m’aider n’importe quand.
Je vous remercie donc de votre écoute et bonne fin de journée à tous!