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La bulle.over-blog.com

Bonjour, Je m'appelle Lucia Dauphin et je suis une jeune adulte autiste de 27 ans. C'est avec plaisir que je vous présente mon propre blog décrivant mon quotidien de personne asperger à chaque semaine afin de partager les facettes de l'autisme avec d'autres personnes que mon entourage.

Semaine 10: Comportements, habitudes et sensations à la sauce autistique

Comme toute personne autiste, j’ai des manies et des comportements que les personnes « neuro-typiques » peuvent qualifier de bizarre, ridicules ou idiots alors qu’en réalité, ces habitudes sont de réels besoins pour nous afin de dégager notre anxiété et nous reposer après des journées difficiles ou exigeantes. Même si je suis adulte et que la plupart de mes mauvaises habitudes sont disparues, j’ai encore des traits relatifs à mon autisme, même si cela ne paraît pas beaucoup.

 

Au niveau du toucher, c’est un sens que j’ai parfois de la difficulté à gérer. Certaines sensations me font très mal ou encore, je ne ressens pas de douleur ou d’inconfort dans une situation quelconque. Lors de l’été de mes onze ans, j’ai fait un tour de moto avec mon père à Saint-Côme dans la région de Lanaudière. Comme c’était la première année que je montais sur une motocyclette, je n’étais pas habituée d’embarquer et de descendre de l’appareil. Par mégarde, lors d’un arrêt, j’ai débarqué sur le côté droit alors qu’il fallait le faire sur le côté gauche. Sur le coup, j’ai senti une sensation désagréable mais au lieu de m’arrêter et de voir si j’étais blessée, je suis restée sur la moto sans rien dire. C’est lors de mon retour à la maison que j’ai constaté que je me suis bel et bien brûlée une partie de mon mollet droit. La plaie était comme une cloche d’eau et j’ai soignée cette dernière à la crème antibiotique durant une semaine de façon intensive. Malgré cela, la cicatrice est toujours restée sur ma peau. Quelqu’un d’autre aurait réagi rapidement et aurait eu une certaine douleur, ce qui n’était pas mon cas. Depuis ce jour, j’étais plus vigilante lors de mes randonnées en moto et au quotidien lors de mes déplacements.

 

Concernant le brossage de mes cheveux, ce fut pathétique. Je pleurais tout le temps quand ma mère me coiffa. Le fait de me faire peigner la chevelure me faisait très mal en raison de la brosse qui me tirait les cheveux. Ma mère avait beau m’expliquer que j’avais une hypersensibilité des cheveux mais en vain, je continuais à pleurer et à avoir mal. Cela durait durant six ans. Lors de mes neuf ans, j’ai commencé à me brosser les cheveux moi-même donc la douleur était moins pire. Maintenant, je n’ai pas de problème à me peigner et tout va bien quand je vais chez la coiffeuse, chose où cela m’a pris du temps à m’habituer.

 

 

Quand j’étais toute petite, je n’aimais pas beaucoup certaines consultations chez des professionnels de la santé comme aller chez le dentiste ou voir l’infirmière pour les vaccins de routine. À quatre ans, je n’ai pu aller à mon premier rendez-vous dentaire puisque le masque du dentiste me faisait peur et je ne savais pas ce que le dentiste allait me faire. Ma mère m’a rassurée me disant que le dentiste ne faisait pas mal qu’il faisait seulement regarder ma bouche. Un an plus tard, je suis retournée chez le dentiste pour passer un vrai examen, cela avec succès.

 

Je n’ai pas pleuré et le spécialiste de la bouche est allé lentement pour que tout se passe bien. Même si je suis capable de me faire manipuler la bouche, il est difficile pour moi de garder toujours la bouche ouverte et d’endurer certains outils dentaires comme la curette pour enlever le tartre.

 

Au printemps 2015, j’ai été convoquée par l’équipe de recherche en santé mentale de l’hôpital Rivière des prairies afin de tester un appareil à résonnance magnétique dans le cadre d’une étude. Comme je connaissais déjà cette machine auparavant, je n’étais pas inquiète de passer l’évaluation. Je n’ai pas pu faire le test au complet en raison du bruit dérangeant que la machine produisait en plus de répondre aux questions à choix de réponses, un autre aspect difficile pour moi. Au bout d’un moment, l’anxiété est montée et j’ai demandé au docteur d’arrêter la résonnance parce que je ne me sentais pas bien.

 

Malgré cela, le docteur responsable du projet m’a quand même remercié et m’a fait remplir un formulaire afin de ne plus participer à des évaluations par IRM. C’est parfois déplaisant rencontrer un professionnel de la santé mais on en sort fier quand on se fait dire que tout va bien et que l’on est en forme et en santé.

 

 

Le stress est un facteur envahisseur dans ma santé mentale. Quand je ressens du stress, je ne suis plus moi-même. Je ne pense plus de la même façon, je n’ai plus d’attention et surtout, cela m’empêche d’être productif dans la vie de tous les jours en plus de faire des erreurs comme mal réussir un travail scolaire ou une recette de cuisine, si c’est sous pression.

 

Quand j’étais à l’école des adultes jusqu’à mes études de secrétariat, je ressentais de violentes sensations dans ma poitrine comme si mon cœur battait trop fort environ quelques heures par jour. J’ai même été jusqu’à voir un médecin et on m’a dit que c’était seulement de la somatisation, c’est à dire que c’était des sensations que l’on pense fortement mais que l’on n’a pas réellement. J’ai d’ailleurs eu d’autres symptômes de somatisations comme avoir souvent envie d’aller à la salle de bain. Depuis mon arrêt scolaire, j’en ai beaucoup moins qu’avant. Il m’arrivait de m’absenter parfois en raison du stress soit lors d’un examen ou de travailler avec quelqu’un avec qui je ne m’entendais pas bien.

Mes parents et mes enseignantes finissaient par me rassurer et à me convaincre d’aller à l’école parce que c’était important apprendre et qu’après avoir réussi une épreuve, j’allais en ressortir fière comme si j’avais réussi un combat.

 

C’est d’ailleurs dû au stress que j’ai dû abandonner mes études en secrétariat en raison de ma peur de toujours échouer les examens.  Au bout de trois mois d’apprentissage, j’ai été affectée d’une bronchite qui m’a fait prendre la décision d’arrêter mes études, moi qui n’ai jamais été très malade. Justement, les seules fois où j’ai été malade, c’était dû à l’école et parfois, à certaines relations compliquées avec des amis. Pourquoi faire des choses qui nous rendent malade? Cela me faisait du bien d’arrêter l’école mais ce n’était pas un échec. En plus de mon diplôme d’études secondaires, j’ai réussi huit modules d’apprentissage! Maintenant, j’essaie des loisirs favorisant la diminution du stress quotidien comme le yoga, le coloriage anti-stress et une activité de calme selon moi, l’ornithologie en raison du temps à prendre pour observer les oiseaux et leur environnement. À partir de ce moment- là, je ne suis plus tombé malade.

 

 

Comme trait typiquement autistique, je fais preuve de rigidité et d’habitudes particulières à ma personne. Le soir, j’aime me réfugier dans mon salon privé pour visionner mes émissions favorites ou des films que j’aime beaucoup. Même si je fais de nouvelles découvertes régulièrement, j’écoute une série ou un film plusieurs fois sans que j’en aie assez mais sans en être obsédée. Il m’arrive aussi de me planifier des routines dans toutes sortes d’occasions, comme lors d’une soirée cinéma personnelle lors d’un séjour chez ma sœur à Montréal ou quand mon amie Kim vient me rendre visite. Si l’un de mes proches n’apprécie pas ma planification soit pour le choix de la sortie, du film ou de l’activité proposé (e), il m’arrive d’être contrarié de ne pas faire ce que je voulais faire. C’était extrêmement difficile au début mais un jour, je me suis dit :  dans la vie, il faut s’adapter, c’est l’un des principes de la biologie pour chaque être vivant.

 

Moi qui adore cette science, j’ai pris en considération cette importante réalité. Par contre, quand je ne peux pas faire une sortie que j’ai envie de faire, j’essaie de convaincre mon père de m’emmener à cette sortie-là sans considérer qu’il m’avait dit non précédemment. Alors, je me rends compte que j’ai été harcelante envers papa, un défaut que je n’aime pas vraiment. Après avoir mal réagi sans le savoir, je me sens triste d’avoir provoqué une réaction chez mes parents. J’ai une mauvaise réaction sur le coup quand j’apprends quelque chose qui ne me fait pas plaisir mais après avoir réfléchi, je me résigne à vouloir faire autre chose.

 

Je ressens parfois de la colère intérieure quand quelque chose ne me plait pas, soit quand je suis déçue de moi ou quand il arrive un imprévu comme je l’ai mentionné plus haut. J’ai souvent tendance à m’excuser pour réparer ma faute mais il faut que je travaille certains de mes côtés pour que cela ait mieux en dedans de moi. Je ne fais plus de crises de colère mais il m’arrive d’hausser le ton ou de perdre patience pour libérer ma rage et d’imposer mes limites. C’est également un vilain défaut dont il m’arrive de m’en vouloir mais j’essaie de me corriger le plus possible en prenant des postures de yoga et en me parlant. Heureusement que cela ne se produit pas souvent.

 

Pendant de nombreuses années, j'avais l'habitude de gratter tous les livres que je lisais parce que cela me faisait du bien et cela m'aidait pour que je me dégage de mon anxiété.   Cela m'a pris du temps avant d'arrêter et en me regardant, les gens me trouvaient très bizarre donc je fus la cible de moqueries.

 

Je manque également d’autonomie dans la vie en général, ce qui l’une de mes causes de ne pas être sur le marché du travail. En réalité, j’ai une certaine difficulté à faire des tâches par moi-même, ce qui incite les gens à faire une partie de mon travail à ma place.

D’ailleurs, c’est difficile pour moi de voir tout le travail qu’il y a à faire soit lors de la réalisation d’une recette de cuisine ou lors d’une séance de travail extérieur comme de l’aménagement paysager. Pensant avoir terminé une tâche, je pars du lieu de travail et cela irrite mes proches qui souhaitaient que je réalise la tâche au grand complet. C’est bien évident qu’un patron d’une entreprise ne peut pas supporter ça de même qu’un collègue de travail. C’est pour cela que je fais du bénévolat à temps partiel dans un milieu qui me convient avec des tâches que je suis capable de faire. Travailler à temps plein ne serait pas facile non plus parce que le réveil matinal est difficile pour moi et trop travailler à raison de plusieurs journées par semaine m’épuise beaucoup. À la place, je pratique des passe- temps qui me font pratiquer diverses habiletés et qui me procurent du bonheur.  Cela ne me dérange pas de ne pas gagner d’argent, ce qui m’importe, est de faire quelque chose qui me passionne sans subir du stress.

 

Finalement, l’empathie demeure un sujet particulier pour moi parce qu’il faut penser au sentiment de l’autre, ce qui n’est pas facile pour beaucoup d’autres personnes.

Souvent, je me mets dans la peau de quelqu’un qui se sent mal mais d’autres fois, il m’arrive de penser qu’à moi et ne pas prendre en considération l’émotion de l’autre personne. Par exemple quand ma grand-mère maternelle est décédée des années plus tôt, il y avait une pièce de théâtre que je voulais voir la veille de la journée du salon funéraire qui s’intitulait « La reine Margot ». Même si j’étais triste, je n’ai pas pris conscience que ma mère voulait vivre son deuil avec nous tous sans vouloir faire de sorties, même si je savais qu’elle était très triste. Cette dernière m’a d’ailleurs expliquée que je pouvais voir la pièce n’importe quand tandis qu’un être cher, ne meurt qu’une seule fois. C’est alors que j’ai pris conscience qu’il faut prioriser la famille au désir de faire quelque chose, ce qui est une de mes valeurs aujourd’hui. Maintenant, je comprends la majorité des émotions chez les membres qui m’entourent mais il me reste beaucoup d’autres choses à apprendre.

 

Malgré mes comportements autistiques, je n’ai pas honte de mon état et je suis fière de pouvoir améliorer mes faiblesses au fil du temps. Après tout, on est autiste ou on ne l’est pas.

 

 

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